Les animaux bien que très discrets, ne sont pas pour autant des êtres fantomatiques. Ils laissent des traces, des indices de leur présence sur l’environnement. Si vous observez les chemins, les routes forestières, les plantes, les troncs d’arbre, il y a peu de chance pour que vous ne remarquiez rien qui ne sorte de l’ordinaire. L’intérêt des traces sur la végétation, c’est que vous pourrez à force d’habitude, reconnaître qui et pourquoi, voire même de dater leur passage.
Les principales activités des animaux sont manger, dormir et communiquer avec leurs semblables. Entre chaque activité, ils se déplacent et profitent de leur territoire. Tout cela laisse des traces sur la végétation, décelables par un œil averti. La végétation étant également vivante, une notion de temporalité pourra même être évaluée. Cela demande de reconnaître la cicatrisation des plantes. Tous ces indices vont vous donner une probabilité plus ou moins forte de présence, d’identification ou de ce que faisait l’animal. Il faut toujours savoir rester humble et prudent sur nos certitudes surtout dans la nature.
On peut distinguer 2 grandes catégories lorsque l’on veut comprendre ce qui s’est passé :
– les marques laissées volontairement qui ont un sens, liées à l’activité de l’animal et,
– les marques involontaires, résultant du passage plus ou moins régulier d’un ou de plusieurs animaux. La seule information que l’on pourra en tirer est si un ou plusieurs animaux sont passés par là.
Les marques volontaires
1. Les grattis/grattées
Les grattis/grattées sont souvent le signe de recherche de nourriture ou de marquage odorant. L’animal gratte le sol légèrement sans creuser le sol en profondeur. Elles peuvent être réalisées le plus souvent avec les pattes avant ou avec le « nez ».
Les sangliers « labourent » la terre à l’aide d’un os spécifique situé dans son groin (le boutoir) à la recherche de larves, de racines et autres vers de terre parfois sur une grande surface. On l’appelle le boutis. Dans la forêt le sanglier recherche en soulevant les feuilles des insectes et des vers. On appelle « vermillis » ce long sillon, peu profond et plus ou moins droit ainsi créé.
Le blaireau griffe le sol (grattis)ou creuse des creuse des trous de fouille à la recherche de nourriture. Il creuse des “pots” (15 à 30cm de profondeur et 20 cm de large) dans lequel il dépose ses excréments. Il retourne la terre à la recherche de proie avec son nez en soulevant les feuilles (vermillis).
Le chevreuil gratte le sol, avec ses pattes pour marquer son territoire grâce à des glandes situées entre ses pinces arrière. Lorsque l’on rencontre des grattis et des frottis, alors on parle de regalis. Regali de chevreuil quelques jours avant le rut
Les félins (chat forestier, lynx) grattent le sol pour enterrer leurs excréments.
Le renard gratte avec les pattes avant à la recherche de rongeurs.
Le Lapin de garenne (mâles) creuse des trous de 2 à 7 cm de profondeur pour marquer leur territoire (recouvert d’excréments). Ils sont reconnaissables à leurs bords avant nets et pentus sur l’arrière, laissant apparaître les traces de griffes.
2. Les frottis
Les ongulés à corne frottent les troncs ou les végétaux au sol ce qui endommage la végétation et nous laissent de très bons indices de présences. On peut voir les marques de cornes et la profondeur des sillons révèle la morphologie des cornes (des cornes arrondies comme le mouflon, marquera moins que les dagues du chevreuil). Le bois de l’arbre est mis à nu.
Le chevreuil arrache facilement l’écorce des jeunes tiges ou des arbrisseaux encore flexibles (préférences pour tiges de moins de 3 ou 4 cm de diamètre). On peut voir l’écorce pendre en lanière. Compte tenu de la taille du brocard, la hauteur des frottis n’est pas très importante, entre 20 et 80 cm. Le marquage par frottis se déroule :
-
- de la fin de l’hiver au début printemps et correspond à la chute des velours et à l’acquisition d’un territoire,
- en été pendant le rut (juillet-aout).
Le cerf affectionne les tiges de 3 à 5 cm même si de plus grosses peuvent être concernées. Les dégâts se situent entre 1 m et 1,80 m et sont plus importants pendant le rut. Les frottis se déroulent de :
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- Février à mai avant la chute des bois,
- Juillet à août pour retirer les velours,
- Septembre à octobre pendant le brame.
Le daim marque comme le cerf mais avec des périodes un peu plus tardives et à des hauteurs moindre (1,60 m max).
3. Abroutissement :
Il s’agit d’une coupe de petites branches ou de jeunes pousses/bourgeons. En cas de forte pression, l’abroutissement conduit aux buissonnements des jeunes arbres. Ils adoptent une forme typique chargée en branche à la base. La consommation a lieu en toute saison, probablement par manque d’autres aliments mais cela reste à confirmer.
- Il est possible de différencier le responsable. En effet il y a 2 possibilités,
- soit un lagomorphe --> la coupe est nette et lisse,
- soit un ongulé --> les ongulés arrachent les petites branches en même temps qu’ils mangent leurs feuilles. Cela est due au fait que les ongulés ont un bourrelet cornée à la place d’incisives sur la mâchoire supérieure. Ils n’ont des incisives que sur la mâchoire inférieure.
- Il est difficile de se fier à la hauteur de la blessure car en temps de neige, les lapins et lièvres peuvent vite se retrouver à la même hauteur qu’un grand cerf.
4. Griffures sur les troncs
Le chat forestier (20 à 25 cm du sol) et le lynx (30 à 45 cm du sol) griffent les troncs pour maintenir leurs griffes aiguisées. Cela laisse des traces visibles et odorantes car les pattes du chat disposent de glandes odorantes.
Le blaireau griffe les troncs et les souches et parfois fait sauter l’écorce à la recherche de quelques insectes cachés dessous. Les griffes apparaissent nettement.
L’ours brun comme dit précédemment (1 à 2 m du sol), même rôle marquage de son territoire et d’entretien des griffes.
5. Les houssures
6. Les restes de fruits et de graines et autres
Traces d’incisives nettes sur les coques des fruits (noisettes, noix, châtaignes). Les jeunes écureuils marquent plus les coques que les adultes par manque de pratique.
Écaillage des cônes des conifères, pour atteindre les graines. L’écaillage se fait de bas en haut pour ne laisser qu’un cône en forme de palmier. Les cônes s’entassent au bas de l’arbre parfois en grand nombre.
Les marques involontaires :
1. Les coulées
Quelles soient principales (multi-espèces) ou secondaires (spécifiques) pour rejoindre les zones de gagnages ou de repos.
- La largeur de la coulée peut renseigner sur la taille de l’animal et sur la fréquence de passage (effet de piétinement),
- Les coulées du blaireau s’élargissent plus on se rapproche de son terrier.
- Les cerfs, en forte densité peuvent élargir la coulée jusqu’à plus d’1 m. Elles sont ensuite utilisées par tous les autres habitants.
2. Les touffes de poils/plumes
On peut retrouver des poils contre un tronc d’arbre (dit arbre « frayoir ») lorsqu’un sanglier vient se frotter après s’être souillé ou attirer par la sève d’un résineux.
Dans une souille, le sanglier avec son poil épais laisse des traces de poils dans la boue.
Sur des buissons et autres « épines »,
Sur des barbelés d’une clôture, marquant un passage vers des zones humanisées (renard, sanglier, loup, lapin de garenne …),
Sur le lieu de l’attaque d’un prédateur ou lors de lutte entre individus (les lapins et les lièvres). Si les plumes sont coupées, on pourra parier sur un renard, alors que si les plumes sont arrachées il s’agira plutôt d’un rapace.
3. Les branches cassées
L’aspect, l’état d’oxydation au niveau de la cassure peut vous renseigner sur l’heure du passage. La hauteur de la fracture, renseigne sur la taille de l’animal. Pour dater vous pouvez casser le même type de plante et regarder l’évolution.
Les traces de dents retrouvées sur les troncs des arbres ou sur les feuilles/brindilles/herbes/coques de fruits consommées :
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- Traces de morsure d’un angle de 45° révèle l’utilisation d’incisives aiguisées comme chez les rongeurs,
- Herbes visiblement raccourcies à bord dentelé. Les cervidés mâchent l’herbe puis l’arrachent,
- Coupée net, l’animal découpe les plantes avec ses dents tranchantes.
4. Les couches
Les animaux dorment en fractionner dans des dépressions plus ou moins rondes située à l’abris, sous un arbre, dans une végétation épaisse ou contre une falaise.
Les souilles : Cuvette boueuse où se vautre ponctuellement les animaux (pas que le sanglier) pour se débarrasser de ses parasites. Eté ou hiver les animaux n’utilisent pas les mêmes souilles.
Bibliographie:
Muriel et Luc Chazel, Reconnaître et décoder les traces d’animaux : Manuel d’ichnologie (guide pratique), 2009, éditions Quae
Atlas des mammifères sauvages de France Vol. 2
Lars-Henrik Olsen, Guide Delachaux des traces d’animaux, ed. Delachaux Niestlé
Vincent Albouy et Szabolcs Kokay, Guide du pisteur débutant, ed. Delachaux Niestlé
FT-1994 – Fiche N°80 – Dégâts forestiers et grand gibier ONF